La résilience générée par les actions collectives et le modèle coopératif a été au cœur des échanges lors de l’événement « pistes d’actions solidaires pour la résilience des systèmes agroalimentaires et des petits-es exploitants-es agricoles » qui a eu lieu le 31 mai dernier à l’Université McGill en présence du président du Fonds international de développement agricole (FIDA) des Nations unies, Alvaro Lario.
Dans son discours d’ouverture, Alvaro Lario a affirmé que le modèle coopératif « supporte et catalyse les investissements pour une transformation » vers des systèmes agroalimentaires résilients.
« L’augmentation des investissements dans les zones rurales est nécessaire pour atteindre l’objectif de développement durable n°2 : faim zéro. Les petits exploitants et les entrepreneurs agricoles ruraux du monde entier n’ont pas suffisamment accès au financement nécessaire pour accroître leur productivité, se remettre des chocs et s’intégrer efficacement dans les chaînes de valeur alimentaires. Les femmes pourraient bénéficier tout particulièrement de ces programmes, étant donné qu’une série d’obstacles liés au genre font que les parcelles appartenant à des femmes en Afrique subsaharienne sont 30 % moins productives que celles appartenant à des hommes. Il existe donc un énorme potentiel d’amélioration de la production et de la résilience du système alimentaire grâce à l’autonomisation des femmes. »
-ALVARO LARIO, président, FIDA
Parlant d’investissement : lors du panel, son collègue Ron Hartman, directeur de l’engagement mondial, des partenariats et de la mobilisation des ressources du FIDA, a mentionné que les petits exploitants agricoles sont de plus en plus touchés par le changement climatique, les conflits et la volatilité économique, alors que la quantité d’aide publique au développement (APD) consacrée à l’agriculture stagne entre 4 et 6 % de l’APD depuis au moins deux décennies.
Pourtant, les petits exploitants agricoles reçoivent moins de 2 % du financement mondial de la lutte contre le changement climatique. Chaque dollar dépensé aujourd’hui pour renforcer la résilience rurale peut permettre d’économiser jusqu’à 10 dollars d’aide humanitaire et d’urgence à l’avenir (CERES 2030).
Le FIDA rappelle que les petites et petits exploitants agricoles produisent un tiers de la nourriture mondiale et jusqu’à 70 % de la nourriture produite dans les pays à revenus faibles et moyens. Ils sont essentiels à la sécurité alimentaire et à la stabilité mondiale, car la faim et la pauvreté peuvent également alimenter les migrations forcées et les conflits.
À SOCODEVI, nous sommes convaincu.e.s que le mouvement coopératif et mutualiste apporte des solutions concrètes à cette résilience et accroit l’impact des investissements en agriculture pour l’adaptation aux changements climatiques et le développement agricole inclusif.
Des exemples concrets
Marie-Christine Bélanger, directrice Services-conseil et Innovation à SOCODEVI, a donné l’exemple des coopératives appuyées par SOCODEVI avec le financement du Canada en Ukraine, où le modèle coop est devenue un outil de résistance, un moyen de s’unir contre la guerre.
« Les coopératives agricoles continuent de fonctionner, dans certains cas à proximité des lignes de front ou dans des zones récemment libérées de l’occupation. Les coopératives sont aussi devenues des plaques tournantes pour les services, l’information et l’éducation, y compris l’aide humanitaire. Un autre exemple, dans l’oblast de Sumy, une coopérative agricole a répondu au besoin de ses membres en créant une école de conduite pour les femmes qui étaient particulièrement vulnérables, n’étant pas en mesure d’évacuer sans leur mari pour conduire le véhicule familial. »
-MARIE-CHRISTINE BÉLANGER, directrice Services-conseil et Innovation, SOCODEVI
Le président du FIDA Alvaro Lario expliquait aussi d’emblée que le développement communautaire était au cœur des efforts de redressement post COVID-19 du FIDA.
« En effet, au lendemain de la pandémie, nous avons constaté que les régions qui avaient adopté l’approche communautaire ont pu rebondir plus rapidement et plus vigoureusement que celles qui n’avaient pas adopté la même approche centrée sur la population. En d’autres termes, nous avons vu de nos propres yeux tout ce que nous pouvons accomplir lorsque nous sommes unis. »
C’est également ce qu’a constaté SOCODEVI dans une étude mené avec le Centre de recherches pour le développement international portant le développement coopératif pour la résilience des familles rurales.
Cette étude, présentée au kiosque de SOCODEVI lors de la foire de l’innovation qui a suivi le panel, démontre que les membres de coopératives agricoles bien consolidées ont moins souffert d’insécurité alimentaire et des perturbations économiques induites par la pandémie de COVID-19 que les membres des coopératives peu ou pas actives.
« Pour nous, une coopérative dynamique c’est une coop qui interagit avec ses membres, une coop qui informe, qui maintient ses circuits de commercialisation, qui distribue des semences pour des cultures vivrières et cetera, expliquait Marie-Christine Bélanger. On s’est aperçu que les membres des coopératives dynamiques s’en sortaient mieux au niveau de leur sécurité alimentaire, mais aussi au niveau de leur bien-être. C’est comme si la coop avait joué le rôle de filet social. »
Place aux femmes et aux jeunes
La place des jeunes et des femmes non seulement en agriculture, mais dans l’ensemble des systèmes alimentaires a également fait l’objet de discussion durant le panel.
Inclure les femmes et les jeunes dans des activités génératrices de revenus dans les systèmes alimentaires est essentiel pour la résilience de ces mêmes systèmes et des personnes, car les femmes réinvestissent l’argent qu’elles gagnent pour améliorer la sécurité alimentaire de leur famille.
Avec la présence de Morgane Leclercq, professionnelle de recherche à la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires de l’Université Laval, les échanges du panel ont porté à réflexion sur l’importance de valoriser le rôle et le leadership des femmes qui, à travers le monde, sont très souvent des pionnières en matière de conservation de banques de semences indigènes locales.
Les banques de semences sont essentielles en matière de biodiversité et offrent une riche histoire d’adaptation aux conditions biophysiques et climatiques locales, tout comme une riche histoire culturelle et d’appartenance au territoire.
Les initiatives collectives sont aussi d’excellents moyens pour les collectivités d’accéder aux intrants et de choisir des semences résilientes et adaptées aux changements climatiques qui correspondent aussi à leurs préférences alimentaires, « un élément important de leur sécurité alimentaire » comme le rappelait lors du panel Patrick Cortbaoui, directeur général de l’Institut M. A. Gilliam pour la sécurité alimentaire mondiale de l’Université McGill.
Selon le FIDA, « la refonte des systèmes alimentaires pourrait générer 4 500 milliards de dollars de nouvelles opportunités commerciales chaque année, créer plus de 120 millions d’emplois ruraux décents, contribuer à limiter le réchauffement climatique et à régénérer les écosystèmes naturels, et réduire les 12 000 milliards de dollars de coûts et de déchets actuellement générés par le système alimentaire chaque année ».
L’événement a été organisé par SOCODEVI avec l’Institut Margaret A Gillam pour la sécurité alimentaire mondiale de l’Université McGill, en collaboration avec le FIDA. Les panélistes étaient Ron Hartman, Directeur de l’engagement mondial, des partenariats et de la mobilisation des ressources, FIDA; Marie-Christine Bélanger, Directrice Services-conseil et Innovation, SOCODEVI ; Céline Delhaes, Productrice de lait et de petits fruits, Agropur coopérative ; Morgane Leclercq, Professionnelle de recherche, Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentaires (DDSA) de l’Université Laval ; Jean-Xavier Escot, Leader de pratique – service d’accompagnement aux entrepreneurs, Développement international Desjardins et Patrick Cortbaoui, Directeur général, Institut M. A. Gilliam pour la sécurité alimentaire mondiale de l’Université McGill. La modération du panel a été assurée par Michèle Asselin, directrice générale de l’AQOCI.